Bruit routier : l’attentisme du Conseil fédéral
Prendre le bruit en flagrant délit, le travailler à la source, tel fut la volonté du Parlement en votant en 2021 la motion « Réduire de manière efficace le bruit excessif des moteurs ». Elle chargeait le Conseil fédéral de modifier les bases légales pour cibler les conduites de véhicule générant un bruit excessif et visait à soutenir davantage les cantons dans la lutte contre le bruit. Mais son objectif central concernait les radars anti-bruit, outils indispensables pour flasher le bruit routier au même titre que la vitesse. Une volonté affichée également par les corps de police et les cantons.
Trois ans plus tard, la réponse du Conseil fédéral, par voie de communiqué, est totalement insuffisante. Malgré un projet pilote de radar anti-bruit, réalisé en collaboration avec le canton de Genève et couronné de succès, le Conseil fédéral fait preuve d’attentisme. Tous les feux sont pourtant verts pour adapter les bases légales et généraliser la pratique sur l’ensemble du territoire en enfin doter la Suisse d’outils efficaces pour lutter contre la pollution sonore.
Le Conseil fédéral préfère approfondir encore la question, comme si la réalité n’était pas assez limpide et les souffrances effectives. Il s’est limité à travailler sur des modifications d’ordonnances. Or, ces dernières échappent au débat parlementaire, privant les élu-e-s de toute marge de manœuvre pour influencer ces décisions, discuter des points polémiques et surtout améliorer les textes. Les ordonnances relèvent en effet de la compétence exclusive du Conseil fédéral, empêchant ainsi tout contrôle ou débat sur leur contenu. En choisissant de ne pas légiférer, le Conseil fédéral reporte indéfiniment la mise en place de mesures efficaces pour lutter contre la pollution sonore.
Le bruit routier, au-delà de la pollution qu’il occasionne, représente un vrai problème de santé publique. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) le classe parmi les principaux facteurs environnementaux contribuant à des maladies chroniques. L’exposition continue à des niveaux élevés de bruit entraîne des troubles cardiovasculaires, une hausse de la tension artérielle, ainsi que des perturbations du sommeil et une diminution générale de la qualité de vie. En Suisse, une personne sur cinq est affectée par le bruit excessif, et dans les zones urbaines, cette proportion grimpe à une sur trois. Le bruit routier cause chaque année des centaines de décès prématurés, avec environ 400 morts attribuées à cette pollution sonore.
Delphine Klopfenstein Broggini, conseillère nationale GE