Ce rapport, censé examiner l’utilisation des radars sonores pour lutter contre les véhicules inutilement bruyants, se limite à dresser une liste d’obstacles juridiques et techniques, sans proposer la moindre piste concrète pour les surmonter. Cette posture est d’autant plus incompréhensible que plusieurs projets pilotes, notamment à Genève et à Zurich, ont démontré que ces dispositifs fonctionnent : grâce à des enregistrements sonores et vidéo, ils permettent d’identifier clairement les véhicules et les comportements responsables de nuisances excessives.

Plus grave encore, le rapport est marqué par de nettes incohérences. Il s’appuie sur un avis juridique pour justifier l’inaction législative, tout en passant sous silence un second avis, pourtant inclus dans le même document, qui relativise ces obstacles et ouvrirait la voie à une action réglementaire. Il prétend également que l’absence de mesure du bruit à l’intérieur du véhicule empêcherait toute sanction, alors que les contrôles a posteriori, combinant image et son, ont précisément permis d’identifier les comportements problématiques lors des tests pilotes.

La recommandation finale du Conseil fédéral étonne tout autant : plutôt que de légiférer, il propose le « nudging », c’est-à-dire une simple sensibilisation des conductrices et conducteurs. Or, les études de l’Empa citées dans le rapport lui-même démontrent que ces approches n’ont aucun effet mesurable, ni à court ni à long terme. Pourquoi persister dans une voie dont l’inefficacité est scientifiquement établie ?

Cette situation soulève des questions fondamentales : pourquoi ignorer les résultats positifs des projets pilotes et les appels des villes et des communes, relayés par l’Union des villes suisses ? Pourquoi privilégier une interprétation juridique bloquante plutôt qu’une autre qui permettrait d’agir ? Sur quelles bases écarter des technologies déjà éprouvées ? Et surtout, le Conseil fédéral considère-t-il que les nuisances sonores, malgré leur impact avéré sur la santé publique, ne justifient pas une réponse législative claire et ambitieuse ?

Tant que ces questions resteront sans réponse, le sentiment persistera que la Confédération renonce à protéger efficacement la population contre le bruit routier. Lutter contre les véhicules inutilement bruyants n’est pas un luxe ni une obsession urbaine : c’est un enjeu de santé publique, de qualité de vie et de respect de l’espace commun. Il est temps que le Conseil fédéral passe des constats à l’action.

Delphine Klopfenstein Broggini
conseillère nationale GE
@dklopfenstein.bsky.social